Alpinisme hivernal à l’Arête Nord de la Tournette

Début janvier 2023, nous ne sommes pas encore entrés au coeur de l’hiver. Tout le monde a hâte, les amateurs de poudreuse, de cascade de glace, mais aussi la faune et la flore … Mais les conditions sèches de ce mois de janvier sont aussi une opportunité à saisir pour l’alpinisme en hiver! Car oui, les conditions idéales sont rassemblées: neige tassée, beau temps, pas de neige fraîche pour éviter le brassage et les risques de coulées en plein soleil l’après-midi. Alors, Feu!!
Raphael et Anna ont envie de perfectionner leur apprentissage de l’alpinisme; ils préparent leur course comme pour une cordée autonome, puis je viens me greffer sur la cordée pour optimiser le matériel du jour.

8h, le jour se lève, départ du parking de Pré Vérel. La mer de nuages est installée, elle promet une superbe journée, seuls en plein coeur du massif de la Tournette, des instants à déguster!

L’approche commence par celle de la voie normale qui monte au refuge de la Tournette. Puis vers 1850m, au moment de tourner à droite pour se diriger vers le refuge, nous entamons une grande traversée à gauche, en suivant une petite sente, qui à cette période de l’année, alterne entre rocher, herbe et névé de neige dure. Le cheminement commence là, au pied d’un petit couloir rocheux, équipé d’un spit et d’une cordelette.
Une dernière petite sente en traversée sur la gauche mène à l’arête proprement dite.

Jeu entre ombre et soleil.
Et en cette période, le contraste est marquant. Rocher jaune baigné de soleil en versant sud, neige froide, souvent durcie par le vent côté nord.

Un peu d’escalade, un rateau de chèvre, des pentes de neige, quelques passages de mixte, voilà un bel itinéraire ludique, varié, parfait dans ces conditions! Il nous offre en plus une vue incroyable sur le sommet enneigé de la Tournette…

La pointe Pierre Chatelard gravie, 2 courts rappels nous mènent au col du Varo, pelé par le vent des derniers jours. De là, nous rejoignons directement le sentier (enneigé) de la voie normale de la Tournette; un bel instant nous attend à proximité du refuge: la danse, aérienne d’un couple de gypaète, seuls dans le cirque, tout comme nous, en cette superbe journée hivernale…

#Arete Nord de la Tournette

Poudre blanche et verte en Norvège

Début mars, il reste 2 places à bord de Zéro à l’Infini pour 2 semaines de ski-voilier en Norvège …. une incroyable occasion à ne pas laisser filer, let’s gooooooo!!!  Propriétaire du voilier, André Bouyssière est aussi skipper, pilote, guide de haute montagne, et connaît déjà toutes les subtilités des voyages dans les fjords. C’est donc à 8 que nous embarquons fin mars à Tromso, à bord de Zéro … et sous la neige! Les 2 semaines s’annoncent perturbées, au moins, nous ne manquerons pas de neige 😉

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Première rencontre avec les locaux, et les grains de neige locaux 🙂
C’est sur un itinéraire fréquenté au Nord de l’île de Lyngen, au Storgalten, que nous ressortons les skis avec bonheur. Neige norvégienne Testée et Approuvée! Malgré les nuages et le brouillard qui ne sont jamais très loin..

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S’ensuivent quelques journées de mauvais temps: nous en profitons pour poursuivre notre navigation à la découverte de nouvelles îles, direction Skjervoy. Un port particulièrement bien abrité de la tempête qui nous guette; et ici, les tempêtes à bord d’un voilier, c’est … une expérience! Mais l’aménagement optimisé du bateau rend les attentes à bord plutôt agréables. D’autant qu’à Skjervoy, nous avons électricité et eau potable à bord, avec même possibilité d’une bonne douche au port!
15h: un rayon de soleil, tout le monde dehors, 2h de ski pour profiter de l’île, ce sera parfait! Ici, il faut savoir profiter de chaque créneau, on ne sait pas de quoi l’heure suivante sera faite!

L’étape suivante sera la découverte du Finmark, encore plus à l’ouest. Et avec le fort courant d’ouest, l’aller ne sera pas un problème.. Et à Reinsfjord, nous découvrons enfin des paysages sauvages, sauvages, sauvages ….

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Siurana, à la rencontre du rocher espagnol

Mi-novembre, les doigts frétillent, l’appel de la grimpe au soleil est trop forte: c’est parti pour une dizaine de jours en Espagne! Le choix de la destination n’est pas trop compliqué: Siurana est une valeur sûre pour l’esthétisme du rocher, de la grimpe, et pour la facilité de l’organisation. En prime, un environnement très pittoresque, bucolique même: des falaises surplombées par un petit village idyllique, un détour à ne rater sous aucun prétexte!

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Pourtant, l’image accrocheuse de l’escalade au soleil est vite balayée par la réalité de la saison en Catalogne: la semaine à venir sera plutôt froide et grise … dommage, les lézards attendaient pour leur bain de soleil… Raison faite, les falaises gardent leur magie, et c’est avec bonheur que nous attaquons la découverte de Siurana par le secteur majeur: Siuranella central, et son superbe rocher orange.

Ici, la grimpe est essentiellement histoire de réglettes, sur un profil raide, qui demande de la détermination, et des doigts entraînés. L’échauffement est de rigueur pour éviter toute blessure: élastiques ou grimpe facile pour faire travailler en douceur les articulations.

Selon les secteurs, la marche d’approche va de 5min à 1h. Dans les grosses lignes:
– Siuranella central: 15-20min
– Siuranella est: 15min
– Pati (le secteur de la Rambla 9a+): 5-10min
– El Primavera: 10min
– Reina Mora (sous le village de Siurana): 20min

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Une semaine en Californie, entre montagnes et désert

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Les grands parcs de la Californie sont un dépaysement total : outre celui du Yosemite, la région regorge de secteurs parfaits pour replonger dans le monde merveilleux de l’escalade en fissures ! Nous avons profité d’un beau créneau météo pour partir à la découverte de deux sites : les Needles, qui jouxte le parc des Sequoias Géants, et Joshua Tree, dans une ambiance plus chaude et désertique.

Vendredi, atterrissage à Los Angeles. De là, 4h de route vers le NE pour rejoindre Porterville, puis Ponderosa. Enfin, nous nous attendions à un petit village, il s’agit en fait …. d’un café-bar, village à lui tout seul ! Ambiance bout du monde et western garantie !
Après 5km de route forestière, nous arrivons au camp ; à notre grande surprise, malgré les conditions pré-hivernales, les grimpeurs sont encore nombreux ici ! Deux sacs remplis de cordes, friends, baudriers, chaussons, et surtout gants de fissure, et nous voilà partis le long du très agréable trail d’approche des Needles, ces aiguilles de granite, véritables flammes dorées, qui trônent au milieu des sequoias géants …
Ce sentier demande environ 1h de marche. Ensuite, selon les secteurs choisis, la marche peut aller de 10min à 1h30 supplémentaires. Nous avons choisi d’aller explorer d’office le secteur le plus éloigné, le Voodoo Dome, 1h15 d’approche supplémentaire à travers la forêt.
Il faut savoir qu’ici, tous les noms des sommets sont associés au domaine de la magie, ou de la féérie : Wizard, the Witch, the Magician, the Charlatan, Voodoo Dome … voilà quelques exemples de sommets des plus magiques !
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Voodoo Dome – White Punks on Dope : 6 grandes longueurs, pour 280m d’escalade en fissures, dièdre, et dalle
Cotation 5.9 (voir le tableau d’équivalence ci-dessous) : se méfier des cotations, l’escalade en Californie est bien atypique pour nos pratiques de grimpeurs de « face-climbing » européens..

Ici, l’escalade n’est pas seulement une gymnastique de bout de pied et d’arquées sur réglettes : c’est tout le corps qui est sollicité, pour une escalade en coincements de pieds, de doigts, de bras, ou même d’épaules, de cuisses, jusqu’au corps entier ! Gants de fissures et chaussons bien plats exigés !
Une escalade qui s’avère extrêmement plaisante dès que les déclics progressivement se font..P1060660 (2)P1060663

C’est aussi une école parfaite pour la pose des coinceurs, friends, câblés et hexentrics, car ici, rien n’est équipé ! De temps en temps, un spit au relai..

Au retour de cette 1ère journée, c’est la neige et le grésil qui nous cueille sur le sentier… ambiance hivernale ! Nous envions quelques instants nos amis américains réfugiés au chaud dans leur van… Notre tente, elle, reste bien froide..

Le lendemain, toutes les parois sont miraculeusement sèches : Fancy Free, 5.10, sera notre objectif du jour. Une superbe ligne, technique, louvoyant entre les fissures de cet océan de granite jaune de Charlatan. En face, nous observons les grimpeurs qui semblent danser dans Igor Unchained, et Airy Interlude, deux autres voies mythiques des Needles..

 

Arrivés cette fois pas trop tard au sommet, nous profitons du reste du jour pour aller visiter les restes de l’observatoire, perché à l’entrée des Needles, au sommet de la 1ère aiguille.. Un feu de forêt l’a entièrement détruit il y a quelques années, seuls les vestiges maçonnés sont encore visibles.

Au programme de la 3è journée : enchaînement de Thin Ice (un des must des Needles) et de Spooky, 5 longueurs de toute beauté !P1060675 (3)P1060693 (2)P1060700 (2)

Après quelques journées de grimpe entre 5 et 8°C, nous décidons de filer dans le Sud de la Californie, dans le parc de Joshua Tree. Sur la route, nous profitons d’une heure pour aller visiter le parc des sequoias géants, des arbres majestueux, dont certains peuvent atteindre 30m de circonférence !

 

4h de route sont nécessaires pour relier les Needles au parc de Joshua Tree. Le paysage s’assèche progressivement, en quelques miles, on passe des forêts de séquoias géants aux champs de cactus … et d’éoliennes..
Le parc national de Joshua Tree, c’est à la fois le désert du Colorado, aux basses altitudes et le désert des Mojaves, aux plus hautes altitudes. C’est ici qu’on y croise l’arbre de Josué (Joshua Tree), une espèce que l’on rencontre uniquement dans le Sud-Ouest des Etats-Unis. De nombreux sentiers (trails) sillonnent ce parc, pour le plaisir des randonneurs, tandis que les plus gros blocs sont équipés pour de l’escalade d’1 longueur à 3 longueurs maximum, à nouveau toute en fissure, sur un rocher au grain ultra adhérent !
C’est dans le secteur de Hidden Valley que nous allons user la gomme de nos chaussons, en partageant notre corde avec un ancien guide américain, qui très spontanément, nous guide au travers des must de la vallée..

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De belles rencontres humaines et minérales, décidément, les parcs américains fascineront et dépayseront encore longtemps !

Entre aventure et histoire au Pilier Central de l’Ailefroide Occidentale

La Muraille Nord-Ouest du Grand Pic de l’Ailefroide, telle que la dénommaient Lucien Devies et Giusto Gervasutti à l’ouverture, les 23-24 juillet 1936.
C’est ce projet dans l’immense face de l’Ailefroide, dans les Alpes du Sud, qui me trotte dans la tête depuis un moment… la « Walker de l’Oisans »  …. Les conditions semblent être quasiment optimales : une face bien sèche des températures douces, une météo qui promet un soleil radieux, que demander de plus ?

Montée par le Glacier Noir
Montée par le Glacier Noir

Haut du Glacier Noir
Haut du Glacier Noir

Mes 2 compagnons de cordée sont partants, nous choisissons de monter par le Glacier Noir, pour franchir le Col de Coste Rouge, et bivouaquer au pied de la face : un choix qui s’avère bien utile pour le repérage de l’itinéraire au calme, au coucher de soleil : le socle, le grand couloir à traverser, puis la Tour Rouge, les Dalles Grises, la Vire en arc de cercle, et enfin les cheminées finales, souvent verglacées … un itinéraire qui défile dans notre tête, alors que progressivement le sommeil nous gagne, la tête désormais dans les étoiles…

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4h30 le réveil nous sort brutalement de nos rêves. Il fait encore nuit noire, nous prolongeons encore un peu nos rêves. Après 15min de marche seulement, nous sommes au pied de la face, prêts à l’ascension.

Tout le socle se grimpe en corde tendue, moyennant un peu de cheminement pour rester au plus facile ; une vigilance particulière pour la traversée du grand couloir, qui peut se transformer en entonnoir pour chutes de pierres, il n’est pas question de traîner.
Le deuxième section, la Tour Rouge, commence par 2 longueurs, plutôt athlétiques : ça passe bien, malgré nos grosses et nos sacs chargés du bivouac. La suite, ce sera en corde tendue sur le fil de l’arête, jusqu’au sommet de la Tour Rouge. Mis à part l’arrachage d’un bloc (heureusement sans conséquence grave), l’escalade est plutôt plaisante, sur un rocher sain !

 

La suite est un cheminement dans un dédale de dalles grises, qui laisse libre cours à l’instinct primaire du grimpeur-ouvreur, à son sens de l’itinéraire ! Ouf ! Un piton … Un crochet à gauche, un crochet à droite … ça devrait passer…

De fil en aiguille, le secret des dalles grises est levé, la vire en arc de cercle franchie, et nous rattrapons progressivement une cordée de trois Espagnols, qui eux, ont dormi au sommet de la Tour Rouge. Les dernières longueurs, tantôt contournant des cheminées englacées, tantôt grimpant certaines en écart, semblent s’allonger … d’autant qu’un hélicoptère du secours en montagne tourne depuis quelques minutes au-dessus du sommet, désormais tout proche… Que nous vaut cette présence ? Pourquoi tant de raffut dans cette nature sauvage ?
Des Espagnols, inquiets du départ prolongé de leurs amis grimpeurs, ont déclenché les secours : les voilà désormais en l’air, l’un après l’autre, rejoignant la vallée avant la nuit, arrachés subitement à un monde sauvage, où seul le contraste avec la vie d’en bas nous rend à notre condition d’être fragile, et nous fait vivre plus intensément !
Il est 20h, le temps de terrasser 3 petites plateformes pour la nuit, nous sécuriser sur le flanc sud de cette arête, et faire un peu d’eau. Demain, nous aurons la matinée pour descendre, avant l’arrivée potentielle d’un orage en début d’après-midi…

6h, le jour pointe le bout de son nez, au travers d’un épais brouillard ; le temps de faire chauffer un petit thé, le brouillard se transforme en grésil, puis en chute de neige : l’orage semble être bien plus pressé que prévu ! Le bivouac est vite rangé, nous sommes repartis, vers la brèche de Coste Rouge, pour une petite heure de traversée d’arête rocheuse, désormais sous la neige ! Un peu de désescalade, quelques rappels, et nous voilà enfin sur le glacier de l’Ailefroide … en même temps que le premier coup de tonnerre et les premiers impacts de foudre ! Entendre et ressentir les abeilles, l’électricité statique qui se charge, pour une fois, ce n’est pas que dans les livres ! Le plus rapidement possible nous traversons les glaciers, retrouvons l’itinéraire de descente de la voie normale de l’Ailefroide Orientale, pour rejoindre le refuge du Sélé vers 13h.. Un petit havre de paix, tenu par un gardien extraordinaire, Raoul, un grand Merci pour ton accueil sans faille !!
La descente du refuge sera ensuite … une broutille! 😉

Une aventure sauvage, partagée avec Manu et Marco, une cordée 100% M&M’S

12h à la Meije Orientale

Une virée en montagne sauvage, ça fait du bien! Retour aux sources …
Arête du Pousse Caillou à la Meije Orientale, une arête esthétique, dans une ambiance grandiose et aérienne.. La face Nord du Gaspard, quant à elle, ne fait pas rire!

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Après 3h d’approche, enfin, l’arête se dessine … il nous faut encore remonter le glacier pour prendre pied sur le Pousse Caillou.

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Toujours face à la paroi Nord du Pic Gaspard, nous évoluons sur un rocher tantôt compact, tantôt truffé de tiroirs!

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Une recherche d’itinéraire intéressante

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Après 5h d’escalade, un dernier couloir de neige nous amène à la sortie de l’arête, face à la Meije Orientale … et me voilà projetée 20 ans en arrière, souvenirs d’enfance, la Meije, une attirance éternelle …

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Voyage au fil des Miages

Les Dômes de Miage, une dentelle perchée à 3600m, tout là-haut, face au Mont-Blanc, à Bionnassay et Tré-la-Tête… un bon bol d’air pour faire le break !

Mardi matin, profitant du bel anticyclone installé, Guillaume et moi prenons le sentier du refuge des Conscrits. Au refuge de Tré-la-Tête, c’est encore le calme qui règne, seules les marmottes croisent notre route… il est vrai que nous sommes partis bien tôt, préférant profiter de la fraîcheur du matin.
L’itinéraire par le bas du glacier de Tré la Tête passe encore bien, tant mieux !

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Peut-être plus pour très longtemps, Christine, gardienne du refuge des Conscrits saura vous renseigner avec la plus grande gentillesse sur les conditions du glacier.

D’ici, à 2600m, vous aurez droit au coucher de soleil sur l’Aiguille des Glaciers, le Mont Tondu, … et au loin, les Aravis ….

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3h30, le réveil sonne. Peu de monde au refuge ce jour-là, c’est une bonne nuit assurée.
Départ à la frontale, le froid n’est pas au rendez-vous, mais la neige est désormais bien tassée sur le glacier. La remontée du glacier de Tré la Tête au lever du jour, c’est comme le petit café du matin, qui nous réveille doucement, et que l’on déguste jusqu’à la dernière goutte.

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La dernière goutte de sueur, frisquette, et c’est l’arrivée au col des Dômes, il est 7h. Seuls, seuls face à l’immensité du versant Ouest du Mont-Blanc, et à la quiétude des pré-massifs de l’autre côté. Seules quelques rafales de vent nous accueillent au col. Les conditions ici contrastent avec la chaleur de la vallée. L’arête des Dômes de Miage se découpe dans le ciel, gracieuse, fidèle à elle-même.

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Les conditions sont excellentes, l’arête entièrement en neige. A partir du col de la Bérangère, il faut poser ses crampons plus délicatement, sur le rocher, jusqu’au sommet de l’Aiguille de la Bérangère. Un superbe point de vue sur les Aravis, la Tarentaise et au loin les Ecrins.

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Le refuge paraît proche, mais méfions-nous des apparences … la descente se fait encore tout en neige, les genoux nous remercient !

11h au refuge. Après une petite pause, nous repartons vers la vallée en empruntant le sentier d’été. Moins agréable en cette saison, et surtout plus long, malgré la grande passerelle mise en place. Tout de même, un grand merci aux guides de la compagnie de st Gervais pour l’entretien de ce sentier pas évident !

Une belle course en altitude, loin des remontées mécaniques et des foules … fermez les yeux, vous y êtes déjà !

Fitz Roy, Supercanaleta

Une semaine d’attente à El Chalten
Il fait beau, nous apercevons le Fitz Roy tous les jours, mais le vent ne nous permet pas de tenter quoique ce soit en montagne… Mais l’endroit est bien fait: le village est entouré de sites d’escalade sympas, de quoi se maintenir en forme dans la vallée.

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Enfin la fenêtre météo!
Un créneau sans vent se profile enfin, vendredi sera parfait pour tenter la Supercanaleta, itinéraire globalement plutôt mixte, qui s’accommodera bien des petites chutes de neige prévues jeudi matin.
C’est une ligne d’ampleur qui raye les 1600m de la face W du Fitz Roy: 1000 premiers mètres de couloir de neige et glace, laissent ensuite place à 600m d’escalade dans une ambiance plutôt mixte.

Une approche en deux jours
Nous choisissons de monter en 2 jours au pied du super couloir, une première journée jusqu’au bivouac Piedra Negra (que nous commençons à connaître!), et une seconde journée jusqu’au pied du couloir en passant par le Paso Cuadrado.
Seuls quelques flocons de neige au réveil à Piedra Negra nous font douter de notre stratégie: et si on s’était trompés et que la meilleure option avait été de poursuivre jusqu’au pied du supercouloir le 1er jour? …. Mais le temps change très vite ici, dans un sens comme dans l’autre. A 10h, la neige fait place à un franc soleil: tout est sec en moins d’1heure!
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Le passage du Paso Cuadrado est somptueux, et offre une vue incroyable sur l’Aguja Mermoz, le Fitz Roy, le Cerro Torre et son champignon de neige éternel, la chaîne des aiguilles Pollone … et le glacier crevassé du Fitz Roy Norte qu’il faudra traverser…

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Paso Cuadrado

Glacier Fitz Roy Norte
Glacier Fitz Roy Norte

En deux bonnes heures du col, nous gagnons le pied du couloir, après un cheminement extraordinaire sur ce glacier, dans une ambiance de bout du monde.
Une cordée italienne est déjà installée, et nos amis argentins Carlito, Diego et Fabri rejoignent le bivouac quelques heures plus tard.
Après nous être tous concertés pour nos horaires de départ du lendemain, nous nous endormons au son de la flûte enchantée de Fabri, qui vient ajouter une touche surréaliste à l’ambiance somptueuse du lieu…

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Bivouac au pied du supercouloir

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La cordée argentine

A l’attaque!
2h: le réveil sonne, la nuit a été bien fraîche, pourtant nous ne sommes qu’à 1700m d’altitude. Nous avons choisis de monter légers, sans sacs de couchage ni tente (uniquement une grosse doudoune), et de redescendre en rappels dans la foulée.  Nous savons que la boucle nous demandera au minimum 25h. Les frontales sont bien chargées, même si la nuit ici est courte en cette saison (22h30-4h30).
La cordée argentine a prévu de dormir au sommet pour descendre au matin par la Franco Argentine, les Italiens  comptent eux dormir dans la voie.
Se préparer, faire chauffer de l’eau pour la journée demande beaucoup de temps, et c’est finalement à 3h30 que nous quittons le camp.

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Départ, les 2 cordées sont déjà dans le couloir

La première impression dans le couloir est bonne, la neige tassée, et les traces déjà bien marquées par les deux cordées précédentes. C’est parfait, nous avalons les 600 premiers mètres rapidement, et croisons la cordée italienne.
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200 mètres sous le Bloc Empotrado (énorme bloc coincé caractéristique), nous choisissons de quitter les traces de nos amis argentins, et pensant suivre au mieux notre interprétation du topo, bifurquons à droite. Nous nous retrouvons au pied d’une fissure, qui, d’en bas, ne paraît pas insurmontable, mais qui finalement, nous offrira un premier beau challenge: oui, une longueur cotée 5, enneigée et parcourue en crampons/piolets n’est pas une si mince affaire..

Mais nous ne reconnaissons pas la suite: devait s’ensuivre un passage facile en 3, qui donnait accès à la fameuse longueur de glace raide… OK, nous nous sommes légèrement fourvoyés … Deux longueurs de mixte plutôt costaud, et nous nous retrouvons au pied de la fissure en 5, que nous pensions avoir gravie précédemment! C’est une broutille de 3-4h que nous venons de perdre, une broutille peut-être précieuse pour espérer sortir par le haut… Il s’agit maintenant de mettre les bouchées doubles pour atteindre la fin des difficultés de jour. Ou au moins atteindre la fin du couloir et la bifurcation vers l’arête rocheuse avant que le soleil ne vienne lécher la face, et entraîner avec lui des chutes de pierre.

Les difficultés mixtes passées, la glace raide nous apporte notre lot de plaisir, enfin, serrer des piolets n’a jamais été aussi bon!

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Glace raide

150m de couloir de neige de de courts passages de mixte faciles, et la bifurcation apparaît enfin, tel un échappatoire aux risques objectifs potentiels. Il est 15h. Nous avons perdu du temps dans notre variante. Une décision s’impose: continuer, au risque de bivouaquer sans sac de couchage sur l’arête, ou tirer une croix que le sommet, attendre la fin de journée, et tirer les rappels dans le couloir pour rejoindre le bivouac… Car à partir de là, le chemin parcouru ne se descend plus en rappels, la retraite devient compliquée, non envisageable.
Un regard commun qui en dit long: on est là pour l’aventure non? Alors on y va!
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Regonflés à bloc, nous parcourons la traversée vers l’arête rapidement, aidés par les traces de nos amis argentins, que nous voyons maintenant progresser sur l’arête, tels des danseurs déambulant d’un gendarme à un autre, effectuant leur chorégraphie avec précision.
Il est 18h quand nous atteignons l’arête et le départ de quelques longueurs que l’on sait difficiles pour franchir les 2 gendarmes qui suivent. La vue est à couper le souffle: un monde de glace infini, le Campo de Hielo, vient se perdre au pied des flèches de granit qui nous entourent, et reflètent les couleurs dorées d’un ciel sans nuage …
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Trève de contemplation, place à l’action! L’itinéraire qui louvoie entre vires enneigées et traversées rocheuses est assez évident. On vient buter à l’aplomb d’un petit col, que l’in rejoint, pour ensuite contourner un petit gendarme, côté Campo de Hielo. Cris de joie de la cordée argentine! Le sommet est atteint pour eux!
Puis une première longueur de rocher sec mène au pied d’une longueur composée d’une large fissure, une traversée à droite sur une vire enneigée, une nouvelle fissure large, et enfin une traversée à gauche pour faire relai au pied de la dernière longueur: une neige typiquement patagonienne, et plutôt inconsistante!

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Il est 22h.
Le ciel s’embrase, les derniers rayons de soleil viennent projeter leurs nuances rosées sur le sommet si proche, 200m plus haut. Nous sommes heureux, sortis des difficultés à la nuit tombante.
L’itinéraire de traversée jusqu’au col, en 4, puis 3, entrecoupé d’un petit rappel de 15m demande encore un peu de vigilance. Au col, fatigués, nous préférons trouver un petit emplacement pour se reposer quelques heures, plutôt que de partir de nuit vers le sommet. Mais le froid patagon a raison de notre sommeil: sans sac de couchage, malgré les doudounes et chaufferettes, il nous faut repartir, créer de la chaleur, sentir nos muscles fonctionner..
D’après les infos recueillies, les 200 derniers mètres sont faciles, du 2, ne nécessitant pas d’encordement. Alors nous laissons un sac et les cordes à proximité du col, et partons vers le sommet. Nous tirerons les rappels de descente à partir de ce col.
Mais au fur-et-à-mesure, sur un terrain enneigé et glacé, de nuit, nous nous rendons bien compte de l’erreur que nous avons commise en laissant la corde en bas. Fatigués par l’effort et le manque de sommeil, décordés, nous sommes encore assez lucides pour savoir qu’une erreur d’attention ne pardonnerait pas. C’est donc 50m sous le sommet que nous faisons demi tour, un peu tristes de ne pas fêter avec nos amis argentins le sommet., mais si heureux d’avoir emprunté un itinéraire d’une telle ampleur sur ce sommet emblématique.

A 4h, au premières lueurs du soleil, nous entamons la descente en rappels. Sept longues heures  durant lesquelles les « Libre!!!! » du dénoueur de nouilles extirpe le dormeur de son « micro nap ». De longues heures à espérer de jamais coincer les cordes, à chercher le rappel le plus bas possible (60m de corde bien pratique), à se regarder interrogateurs: « c’était la jaune ou la violette??? »
Notre tente, petit point rouge au pied du couloir se rapproche de rappel en rappel. Vers midi, enfin, nous marchons vers cet îlot de réconfort, nous promettant eau en abondance, festin (des bons lyophilisés, certes, ce n’est pas un poulet au four, mais ça va droit dans l’esttomac!) et 2 bonnes heures de sommeil..
Deux autres grimpeurs nous rejoignent au camp, Djamel et Marylène: ils redescendent de quelques dizaines de longueurs dans la voie Afanassief, mais ont trouvé trop de fissures gelées pour poursuivre.
De façon très galante, nous les laissons faire la trace de retour dans la neige devenue molle, jusqu’au col Cuadrado, le temps pour nous de replier notre camp.
Quelques heures plus tard, minuit passé, c’est Sol, la pétillante gardienne du refuge-restaurant de Fraile qui nous accueille, deux thés chauds et une salade de riz en guide de bienvenue: que demander de plus?

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