Fitz Roy, Supercanaleta

Une semaine d’attente à El Chalten
Il fait beau, nous apercevons le Fitz Roy tous les jours, mais le vent ne nous permet pas de tenter quoique ce soit en montagne… Mais l’endroit est bien fait: le village est entouré de sites d’escalade sympas, de quoi se maintenir en forme dans la vallée.

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Enfin la fenêtre météo!
Un créneau sans vent se profile enfin, vendredi sera parfait pour tenter la Supercanaleta, itinéraire globalement plutôt mixte, qui s’accommodera bien des petites chutes de neige prévues jeudi matin.
C’est une ligne d’ampleur qui raye les 1600m de la face W du Fitz Roy: 1000 premiers mètres de couloir de neige et glace, laissent ensuite place à 600m d’escalade dans une ambiance plutôt mixte.

Une approche en deux jours
Nous choisissons de monter en 2 jours au pied du super couloir, une première journée jusqu’au bivouac Piedra Negra (que nous commençons à connaître!), et une seconde journée jusqu’au pied du couloir en passant par le Paso Cuadrado.
Seuls quelques flocons de neige au réveil à Piedra Negra nous font douter de notre stratégie: et si on s’était trompés et que la meilleure option avait été de poursuivre jusqu’au pied du supercouloir le 1er jour? …. Mais le temps change très vite ici, dans un sens comme dans l’autre. A 10h, la neige fait place à un franc soleil: tout est sec en moins d’1heure!
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Le passage du Paso Cuadrado est somptueux, et offre une vue incroyable sur l’Aguja Mermoz, le Fitz Roy, le Cerro Torre et son champignon de neige éternel, la chaîne des aiguilles Pollone … et le glacier crevassé du Fitz Roy Norte qu’il faudra traverser…

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Paso Cuadrado
Glacier Fitz Roy Norte
Glacier Fitz Roy Norte

En deux bonnes heures du col, nous gagnons le pied du couloir, après un cheminement extraordinaire sur ce glacier, dans une ambiance de bout du monde.
Une cordée italienne est déjà installée, et nos amis argentins Carlito, Diego et Fabri rejoignent le bivouac quelques heures plus tard.
Après nous être tous concertés pour nos horaires de départ du lendemain, nous nous endormons au son de la flûte enchantée de Fabri, qui vient ajouter une touche surréaliste à l’ambiance somptueuse du lieu…

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Bivouac au pied du supercouloir
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La cordée argentine

A l’attaque!
2h: le réveil sonne, la nuit a été bien fraîche, pourtant nous ne sommes qu’à 1700m d’altitude. Nous avons choisis de monter légers, sans sacs de couchage ni tente (uniquement une grosse doudoune), et de redescendre en rappels dans la foulée.  Nous savons que la boucle nous demandera au minimum 25h. Les frontales sont bien chargées, même si la nuit ici est courte en cette saison (22h30-4h30).
La cordée argentine a prévu de dormir au sommet pour descendre au matin par la Franco Argentine, les Italiens  comptent eux dormir dans la voie.
Se préparer, faire chauffer de l’eau pour la journée demande beaucoup de temps, et c’est finalement à 3h30 que nous quittons le camp.

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Départ, les 2 cordées sont déjà dans le couloir

La première impression dans le couloir est bonne, la neige tassée, et les traces déjà bien marquées par les deux cordées précédentes. C’est parfait, nous avalons les 600 premiers mètres rapidement, et croisons la cordée italienne.
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200 mètres sous le Bloc Empotrado (énorme bloc coincé caractéristique), nous choisissons de quitter les traces de nos amis argentins, et pensant suivre au mieux notre interprétation du topo, bifurquons à droite. Nous nous retrouvons au pied d’une fissure, qui, d’en bas, ne paraît pas insurmontable, mais qui finalement, nous offrira un premier beau challenge: oui, une longueur cotée 5, enneigée et parcourue en crampons/piolets n’est pas une si mince affaire..

Mais nous ne reconnaissons pas la suite: devait s’ensuivre un passage facile en 3, qui donnait accès à la fameuse longueur de glace raide… OK, nous nous sommes légèrement fourvoyés … Deux longueurs de mixte plutôt costaud, et nous nous retrouvons au pied de la fissure en 5, que nous pensions avoir gravie précédemment! C’est une broutille de 3-4h que nous venons de perdre, une broutille peut-être précieuse pour espérer sortir par le haut… Il s’agit maintenant de mettre les bouchées doubles pour atteindre la fin des difficultés de jour. Ou au moins atteindre la fin du couloir et la bifurcation vers l’arête rocheuse avant que le soleil ne vienne lécher la face, et entraîner avec lui des chutes de pierre.

Les difficultés mixtes passées, la glace raide nous apporte notre lot de plaisir, enfin, serrer des piolets n’a jamais été aussi bon!

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Glace raide

150m de couloir de neige de de courts passages de mixte faciles, et la bifurcation apparaît enfin, tel un échappatoire aux risques objectifs potentiels. Il est 15h. Nous avons perdu du temps dans notre variante. Une décision s’impose: continuer, au risque de bivouaquer sans sac de couchage sur l’arête, ou tirer une croix que le sommet, attendre la fin de journée, et tirer les rappels dans le couloir pour rejoindre le bivouac… Car à partir de là, le chemin parcouru ne se descend plus en rappels, la retraite devient compliquée, non envisageable.
Un regard commun qui en dit long: on est là pour l’aventure non? Alors on y va!
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Regonflés à bloc, nous parcourons la traversée vers l’arête rapidement, aidés par les traces de nos amis argentins, que nous voyons maintenant progresser sur l’arête, tels des danseurs déambulant d’un gendarme à un autre, effectuant leur chorégraphie avec précision.
Il est 18h quand nous atteignons l’arête et le départ de quelques longueurs que l’on sait difficiles pour franchir les 2 gendarmes qui suivent. La vue est à couper le souffle: un monde de glace infini, le Campo de Hielo, vient se perdre au pied des flèches de granit qui nous entourent, et reflètent les couleurs dorées d’un ciel sans nuage …
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Trève de contemplation, place à l’action! L’itinéraire qui louvoie entre vires enneigées et traversées rocheuses est assez évident. On vient buter à l’aplomb d’un petit col, que l’in rejoint, pour ensuite contourner un petit gendarme, côté Campo de Hielo. Cris de joie de la cordée argentine! Le sommet est atteint pour eux!
Puis une première longueur de rocher sec mène au pied d’une longueur composée d’une large fissure, une traversée à droite sur une vire enneigée, une nouvelle fissure large, et enfin une traversée à gauche pour faire relai au pied de la dernière longueur: une neige typiquement patagonienne, et plutôt inconsistante!

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Il est 22h.
Le ciel s’embrase, les derniers rayons de soleil viennent projeter leurs nuances rosées sur le sommet si proche, 200m plus haut. Nous sommes heureux, sortis des difficultés à la nuit tombante.
L’itinéraire de traversée jusqu’au col, en 4, puis 3, entrecoupé d’un petit rappel de 15m demande encore un peu de vigilance. Au col, fatigués, nous préférons trouver un petit emplacement pour se reposer quelques heures, plutôt que de partir de nuit vers le sommet. Mais le froid patagon a raison de notre sommeil: sans sac de couchage, malgré les doudounes et chaufferettes, il nous faut repartir, créer de la chaleur, sentir nos muscles fonctionner..
D’après les infos recueillies, les 200 derniers mètres sont faciles, du 2, ne nécessitant pas d’encordement. Alors nous laissons un sac et les cordes à proximité du col, et partons vers le sommet. Nous tirerons les rappels de descente à partir de ce col.
Mais au fur-et-à-mesure, sur un terrain enneigé et glacé, de nuit, nous nous rendons bien compte de l’erreur que nous avons commise en laissant la corde en bas. Fatigués par l’effort et le manque de sommeil, décordés, nous sommes encore assez lucides pour savoir qu’une erreur d’attention ne pardonnerait pas. C’est donc 50m sous le sommet que nous faisons demi tour, un peu tristes de ne pas fêter avec nos amis argentins le sommet., mais si heureux d’avoir emprunté un itinéraire d’une telle ampleur sur ce sommet emblématique.

A 4h, au premières lueurs du soleil, nous entamons la descente en rappels. Sept longues heures  durant lesquelles les « Libre!!!! » du dénoueur de nouilles extirpe le dormeur de son « micro nap ». De longues heures à espérer de jamais coincer les cordes, à chercher le rappel le plus bas possible (60m de corde bien pratique), à se regarder interrogateurs: « c’était la jaune ou la violette??? »
Notre tente, petit point rouge au pied du couloir se rapproche de rappel en rappel. Vers midi, enfin, nous marchons vers cet îlot de réconfort, nous promettant eau en abondance, festin (des bons lyophilisés, certes, ce n’est pas un poulet au four, mais ça va droit dans l’esttomac!) et 2 bonnes heures de sommeil..
Deux autres grimpeurs nous rejoignent au camp, Djamel et Marylène: ils redescendent de quelques dizaines de longueurs dans la voie Afanassief, mais ont trouvé trop de fissures gelées pour poursuivre.
De façon très galante, nous les laissons faire la trace de retour dans la neige devenue molle, jusqu’au col Cuadrado, le temps pour nous de replier notre camp.
Quelques heures plus tard, minuit passé, c’est Sol, la pétillante gardienne du refuge-restaurant de Fraile qui nous accueille, deux thés chauds et une salade de riz en guide de bienvenue: que demander de plus?

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